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Communiqué de presse du 04/02/2022
Le Docteur Thierry Bour, Président du SNOF, dévoile ce matin les résultats de l’étude annuelle sur le travail aidé dans les cabinets ophtalmologiques. Si globalement la proportion d’ophtalmologistes exerçant en travail aidé reste stable en 2021 à 71 %, le nombre et la diversification des assistants sont en forte hausse avec un impact significatif sur la prise en charge des patients. Ce modèle de collaboration sous la supervision de l’ophtalmologiste a permis, en quelques années seulement, de réduire considérablement le délai médian dans le cas d’une prise de RDV pour une consultation périodique, lequel est passé de 66 jours en 2017 à 26 jours en 2021*. L’extension de ce modèle complété par l’ouverture des règles d’attribution des contrats conventionnels aux médecins exerçant seuls et par la mise en place d’un plan d’aides financières incitatives pour les zones sous-dotées, pourrait conduire à la résolution rapide des problèmes d’accès aux soins ophtalmologiques sur l’ensemble des territoires. La balle est dans le camp des tutelles.
Pour le Dr Thierry Bour : « L’organisation des soins visuels en travail aidé pluriprofessionnel, pionnière en Europe, continue son impressionnant développement sur cette dernière année. En capitalisant sur la diversité des profils (orthoptistes, infirmiers, autres assistants…), nous arrivons à combiner sécurité et fluidité pour les patients, tout en réduisant les délais de rendez-vous. Toutefois, malgré un modèle qui continue à faire preuve de son efficacité, les pouvoirs publics ont récemment brouillé le parcours de soins en élargissant la primo-prescription aux orthoptistes de niveau licence. Cette mesure montre une méconnaissance de la réalité du terrain, où la collaboration entre ophtalmologistes et orthoptistes fonctionne depuis des années, et des besoins réels des patients !
S’il reste plus fréquent dans les cabinets de groupe, le travail aidé se consolide. Il concerne 71% des ophtalmologistes : un chiffre stable par rapport à 2020, mais en augmentation de 8 points en 2 ans.
Présent dans toutes les structures et dans toutes les régions, il varie cependant suivant le secteur conventionnel : les ophtalmologistes en secteur 1, moins nombreux qu’en secteur 2, sont moins souvent en travail aidé, même si cet écart tend à se réduire (59% vs 77%, contre 49% vs 70% en 2019).
Si le travail aidé s’est diffusé dans toutes les classes d’âge, cette organisation est plébiscitée par les jeunes ophtalmologistes de moins de 40 ans : ils sont 90% à y avoir recours. Enfin, s’il existe peu de différence entre les ophtalmologistes hommes et femmes pour la fréquence du travail aidé, les femmes y ont toutefois un peu moins recours (67%, versus 74% pour leurs homologues masculins). A noter toutefois que cet écart, qui était de 12 points en 2020, diminue.
Aujourd’hui les ophtalmologistes privilégient le travail en équipe pluridisciplinaire avec des profils professionnels variés. Cela concerne 59 % des praticiens en travail aidé, contre 51 % en 2020 et 41% en 2019, soit 18 points de plus en deux ans.
Autour des ophtalmologistes, les équipes pluri-professionnelles des ophtalmologistes sont constituées en majorité par des orthoptistes : 53 % des ophtalmologistes déclarent travailler avec des orthoptistes salariés, soit 5 points de plus qu’en 2020 (38 % en secteur 1 et 60 % en secteur 2). 25 % collaborent avec des orthoptistes libéraux (28 % en 2020). On dénombre ainsi 2 166 orthoptistes salariés et 740 orthoptistes libéraux (souvent à temps partiel) participant au fonctionnement des cabinets d’ophtalmologie sur tout le territoire français. C’est la profession la plus représentée au sein des équipes devant les infirmiers salariés (600), les opticiens salariés (267) et les 665 autres assistants médicaux en ophtalmologie (hors infirmiers et opticiens).
Si les ophtalmologistes font traditionnellement davantage appel aux orthoptistes pour les épauler, le recours à d’autres types d’aides en complément est de plus en plus fréquent. Ainsi, 25 % des ophtalmologistes déclarent travailler avec des infirmiers, soit une hausse de +34 % par rapport à 2019. Cette aide intervient dans la majorité des cas (94 %) en complément d’un orthoptiste et les cabinets ont largement embauché depuis l’année dernière, puisque le nombre d’infirmiers est passé de 348 à 600 (73% d’augmentation !).
La collaboration avec les opticiens salariés est également à la hausse, pratiquée à 14,5 % en 2021 contre 10 % en 2019. Ici aussi, les opticiens sont généralement intégrés à une équipe d’assistants et travaillent en synergie avec les orthoptistes dans 85 % des cas. En général, il n’y a qu’un seul opticien par cabinet, quel que soit la taille de celui-ci.
Preuve de la montée en puissance du travail aidé, la collaboration avec les autres assistants médicaux connaît la plus forte évolution (18 % en 2021 vs 11 % en 2020 et 1,6% en 2019). Facilitée par la création d’un statut légal dans le cadre du plan Ma Santé 2022 et d’aides conventionnelles en 2019 (Avenant 7 de la Convention Médicale), elle concerne 665 assistants en 2021 contre 282 l’année dernière (+136% !).
Dr. Thierry Bour, Président du SNOF, commente : « Pour la première fois depuis le début de cette enquête annuelle, nous pouvons fournir une estimation précise du nombre total des assistants par catégorie (orthoptistes, infirmiers, autres assistants médicaux, …). Une donnée qui nous permet d’apprécier plus justement l’évolution du profil des assistants, de la composition des équipes pluri-professionnelles et qui permet de constater une réelle montée en puissance de certaines catégories comme les assistants médicaux. Ces assistants médicaux en ophtalmologie (infirmiers, aides-soignants, secrétaires up-gradées, opticiens) ont connu une croissance de près de 80% en un an, montrant le succès de ce nouveau statut, allant largement au-delà du nombre de contrats conventionnels signés (un peu moins d’une centaine). La mise en place d’un cadre légal et réglementaire a cependant joué un rôle important dans cette hausse.»
La filière visuelle fait aujourd’hui figure d’exemple en France et en Europe pour ce mode de travail novateur qui a permis à la fois de réduire les délais d’attente et d’augmenter l’offre de soins, ceci avec un nombre quasi constant d’ophtalmologistes depuis plus de 10 ans. Le niveau de prévention est excellent comme en témoigne les chiffres très bas de cécité et de malvoyance par rapport aux autres pays, ainsi que le nombre de glaucomes dépistés et suivis. Et les perspectives sont bonnes : avec la baisse des départs en retraite dès 2024, et l’arrivée de nouveaux diplômés à 90% en travail aidé, l’offre de soins devrait croître.
Le travail aidé joue un rôle primordial dans l’amélioration des délais de RDV : ces derniers ont été réduits significativement en quelques années seulement, le délai médian dans le cas d’une prise de RDV pour une consultation périodique (non urgente) est passé de 66 jours en 2017 à 26 jours en 2021 (soit - 61%) ***. Ces bons résultats mettent en lumière l’impact et l’efficacité des actions mises en place dans l’objectif « Zéro délai en 2022 ». Ce « zéro délai » est déjà atteint dans plusieurs grandes villes.
Le SNOF estime que le modèle d’équipe pluri-professionnelle n’est qu’à 56 % de son potentiel – avec encore 5 à 8 ans de croissance devant lui, à condition que les conditions de mise en oeuvre restent favorables.
L’enquête montre cependant une insuffisance de développement du travail aidé dans les cabinets unipersonnels qui n’y sont qu’à 47% (vs 89% dans les cabinets de groupe). Ils représentent un enjeu important, car ils sont bien répartis sur les territoires et comprennent une part importante des médecins en secteur 1. Ils sont pourtant exclus des aides conventionnelles pour l’embauche d’un assistant médical, ce qui est une mesure complètement contre-productive ! D’autant que l’analyse montre que ceux qui ont franchi le pas du travail aidé salarient souvent un peu plus d’une aide. Il serait donc utile et efficace pour l’offre en soins oculaires d’élargir le contrat d’embauche en supprimant la condition de 2 médecins signataires, ainsi qu’un seuil minimum d’activité requis.
De même, cette équipe pluri-professionnelle en développement autour de l’ophtalmologiste peut permettre de franchir une étape supplémentaire pour résoudre la problématique de la répartition des ophtalmologistes sur les territoires sous-dotés, celle de la création de sites secondaires d’ophtalmologie, ce qui nécessite des aides conventionnelles adéquates.
Mais ces perspectives prometteuses sont menacées par l’article 68 de la PLFSS 2022, prévoyant d’élargir les compétences des orthoptistes de niveau licence en leur ouvrant le droit à la prescription initiale des lunettes et des lentilles de contact, en accès direct et sans supervision médicale, donc hors coordination ! Outre des conséquences potentiellement délétères sur la prise en charge des patients, cette mesure n’est pas placée au bon niveau de formation et crée une confusion dans le parcours de soins des patients. Elle risque d’instaurer un climat de méfiance au sein de la filière. Il faudra sans doute plusieurs années pour en mesurer les conséquences réelles.
Aujourd’hui, il est nécessaire de se recentrer sur les mesures efficaces et de poursuivre le développement de l’accès aux soins dans la filière afin de réduire définitivement les délais de RDV. Le SNOF demande ainsi aux pouvoirs publics de s’engager dans 6 chantiers prioritaires pour l’année à venir :
1. Continuer à développer le travail aidé en équipe pluri-professionnelle
- Elargissement du contrat conventionnel de financement des Assistants Médicaux
aux médecins exerçants seuls, suppression du seuil minimum d’activité.
- Renforcer la création de plages de rendez-vous à délais courts notamment en priorisant les patients sans ophtalmologiste et en améliorant la coordination avec les médecins traitants.
2. Mettre en place un plan de déploiement de sites principaux et secondaires en ophtalmologie dans les zones sous-dotées, avec des mesures conventionnelles incitatives.
- Aide à l’investissement pour l’ouverture de cabinets secondaires en zones sous-dotées.
- Mise en place d’un zonage spécifique et ambitieux pour l’ophtalmologie, avec des contrats démographiques conventionnel
- Aller vers des Pôles d’Ophtalmologie Libéraux permettant une prise en charge rapprochée et territoriale des patients, y compris en télémédecine.
3. Améliorer la démographie des ophtalmologistes
- Maintenir au-delà de 2023 la croissance du nombre d’internes en ophtalmologie en allant jusqu’à 200 postes / an
- Affecter prioritairement les postes supplémentaires d’internes aux régions ayant une densité moindre en ophtalmologistes
- Développer les stages en milieu libéral durant l’internat (y compris lors de la phase de Docteur Junior)
4. Renforcer la réglementation et les contrôles par les ARS et les CPAM des centres de santé ophtalmiques, pour garantir une prise en charge de qualité et soucieuse de l’utilisation des fonds publics.
- Être vigilant et réactif face aux dérives consuméristes de nouveaux acteurs et à l’arrivée d’investisseurs voyant la santé oculaire des patients comme un business prometteur, au détriment de la Santé Publique.
5. Instaurer un dispositif de règles professionnelles pour les opticiens-lunetiers et les orthoptistes conformément à ce qui est prévu depuis plus de 10 ans dans le Code de la Santé Publique, mais non appliqué
6. Optimiser la coordination avec les orthoptistes et les opticiens
- Parcours de soins visuels éthiques et dans l’intérêt des patients
- Privilégier les protocoles organisationnels avec les orthoptistes, y compris à distance et en télémédecine.
- Améliorer le renouvellement des équipements optiques chez l’opticien, sous condition d’un vrai échange d’information en retour, notamment au travers d’outils numériques comme l’e-prescription et la messagerie sécurisée.
Dr. Thierry Bour, Président du SNOF, conclut : « Depuis 10 ans, le SNOF a mis en place des actions de terrain qui ont porté leurs fruits dans l’objectif #Zerodélais2022. C’est aux pouvoirs publics d’assurer aussi de leur côté la mise en place de mesures pertinentes et efficaces au service d’un meilleur parcours de soin pour les Français. Mais cela ne doit pas se faire au détriment de leur sécurité ! Ces sujets de santé publique doivent également trouver leur place dans le débat présidentiel qui s’ouvrira dans les semaines à venir. »
A propos du SNOF :
Créé en 1906, le SNOF a pour but « d’étudier et de préparer en collaboration avec les pouvoirs publics et les autorités compétentes l’application des mesures générales de protection de la santé publique pouvant se rapporter à l’exercice de l’ophtalmologie ». Avec ses 2 800 adhérents, il regroupe 2/3 des ophtalmologistes de France et obtient ainsi le taux de syndicalisation le plus élevé des syndicats français.
Il constitue l’interface entre les ophtalmologistes, avec leurs priorités de médecins, l’intérêt de leurs patients, leur volonté de garantir un accès à des soins de qualité et les pouvoirs publics.
Le SNOF propose des schémas éprouvés de délégation de tâches, de collaboration accrue avec les orthoptistes et les opticiens, pour un exercice médical adapté aux ophtalmologistes d’aujourd’hui et de demain, tout en préservant la santé des patients.
@snof_org
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