Le site des ophtalmologistes de France
Le SNOF remercie vivement l'Association Valentin Haüy et la ville de Coupvray pour leur aide et leur autorisation de reproduction de documents.
Né le 4 janvier 1809 dans une petite bourgade rurale, Coupvray, à une quarantaine de kilomètres de Paris, rien ne pouvait laisser prévoir que Louis Braille reposerait un jour au Panthéon, aux côtés des plus illustres des Français. Son père était le bourrelier de Coupvray et Louis était le plus jeune d'une fratrie de 4 enfants.
Son destin bascula quand, âgé de trois ans, il se blessa gravement à un oeil dans l'atelier de son père, probablement en jouant avec un de ses outils. La date de l'accident, ses circonstances exactes, 1'évolution de la blessure de l'enfant et les soins qui lui furent prodigués sont mal connus. Toujours est-il qu'il perdit non seulement l'oeil blessé, mais aussi celui qui n'avait pas été atteint. A une époque où l'on ne savait pas encore grand'chose des problèmes d'infection, il était courant que la perte accidentelle d'un oeil entraîne la perte de l'autre.
Maison natale de louis Braille à Coupvray
Il est avéré que le jeune aveugle fréquenta l'école du village, tout en contribuant à la maison au travail familial de la bourrellerie : il confectionnait, paraît-il, des franges de harnais, ce qui l'aida probablement à développer son habileté manuelle, qualité fort utile dans son cas. Ses parents savaient lire et écrire. Il est certain qu'ils étaient très conscients de l'importance d'une bonne instruction pour un enfant aussi gravement handicapé que l'était leur fils Louis. Nul ne sait comment ils furent informés de l'existence de l'école fondée par Valentin Haüy, école qui n'avait retrouvé son indépendance qu'en 1815, après plusieurs années de partage des locaux des Quinze-Vingts, mais il est prouvé que le père de Louis Braille écrivit plusieurs fois à l'institution Royale des Jeunes Aveugles pour se renseigner sur l'instruction qui y était donnée. Finalement, il demanda et obtint l'admission de son fils, qui y fut accueilli en 1819 : Louis était alors âgé de 10 ans.
A cette époque, l'institution Royale occupait un bâtiment qui a aujourd'hui disparu et dont l'emplacement se situe au coin de la rue des Ecoles et de la rue du Cardinal-Lemoine. Dans ce bâtiment, tout proche de l'enceinte de Philippe-Auguste, Saint-Vincent de Paul avait fondé en 1625 la congrégation des Prêtres de la Mission. C'est là aussi que, pendant la révolution, des prêtres réfractaires avaient été massacrés, le 3 septembre 1792. Il est difficile, de nos jours, d'imaginer que ce quartier était autrefois insalubre. C'était pourtant le cas et c'est à l'humidité des lieux, au manque d'air et de lumière, au chauffage insuffisant et à la promiscuité due à l'exiguïté des locaux que certains attribuent la responsabilité de la tuberculose qui devait emporter Louis Braille.
Le Directeur de l'institution, à l'arrivée de Braille, était un médecin, le Docteur Guillié, auteur d'un « essai sur l'instruction des aveugles » publié en 1817. Cet essai n'apportait rien de vraiment nouveau en matière d'instruction des aveugles. On continuait à utiliser les caractères en relief mis au point par Valentin Haüy, si difficiles à lire avec les doigts. Pour ce qui est de l'écriture, on en restait aux deux procédés connus depuis Haüy : le maniement de caractères typographiques pour gaufrer le papier, ou le guide-main. Cela faisait dire à l'abbé Carton, directeur de l'école pour aveugles de Bruges : « A Paris, il n'y a que 3 ou 4 aveugles sachant écrire ». Pour la musique, on se contentait de faire appel à la mémoire auditive des élèves. Comme du temps de Haüy, les aveugles de l'institution (ou plutôt les plus doués d'entre eux) se produisaient régulièrement en public.
Deux ans après l'arrivée de Louis Braille à l'Institution le Docteur Guillié était remplacé par un autre médecin, le Docteur Pignier, qui semble avoir beaucoup apprécié Braille et qui a contribué à le faire mieux connaître. A Pignier revient le mérite d'avoir permis à Valentin Haüy, qui n'avait plus que quelques mois à vivre, de revenir enfin dans l'école qu'il avait fondée et dont il avait été écarté en raison de son attitude pendant la révolution. On peut imaginer (rien n'est prouvé) que Braille, qui avait alors douze ans, rencontra ce jour-là celui qu'il devait quelques années plus tard égaler dans l'admiration et la reconnaissance des aveugles.
Dès son entrée à l'institution, Braille apparut comme un élève de premier ordre. Il réussissait dans toutes les disciplines enseignées et raflait toutes les récompenses, qu'il s'agisse de tâches manuelles ou de travaux intellectuels. Voici ce qu'en dit Pignier - « Doué d'une grande facilité, d'une intelligence vive et surtout d'une rectitude d'esprit remarquable, il se fit bientôt connaître par ses progrès et ses succès dans ses études. Ses compositions littéraires ou scientifiques ne renfermaient que des pensées exactes ; elles se distinguaient par une grande netteté d'idées exprimées dans un style clair et correct. On y reconnaissait de l'imagination ; mais celle-ci était toujours dirigée par le jugement ». Quant à sa personne, voici comment la décrit son ami Coltat : « Un air intelligent, une figure qu'illuminait assez souvent un agréable sourire, mais que jamais ne troublait une folle gaité, tout dans la physionomie du jeune Braille faisait pressentir les plus heureuses dispositions et annonçait les plus aimables qualités ».
Braille n'avait pas encore quinze ans qu'on lui confiait déjà certaines responsabilités d'enseignement, notamment à « l'atelier de chaussons de lisière et de tresse ». En 1828, il reçut le titre de « répétiteur », qui se transforma ultérieurement en titre de « professeur ». Son enseignement n'était pas spécialisé mais portait sur des matières très diverses : grammaire, histoire, géographie, arithmétique, algèbre, géométrie, piano, violoncelle. Il semble qu'il ait été un aussi bon professeur qu'il avait été un bon élève. « Chez [ses élèves], écrit Coltat, l'émulation n'avait pas seulement pour but de s'égaler et de se surpasser les uns les autres, elle devenait une touchante et continuelle attention à se rendre agréables à un professeur qu'ils affectionnaient comme un supérieur estimable et comme un ami sage et éclairé, fertile en bons conseils ». Outre son enseignement oral, Braille composait des traités remarquablement bien conçus. Son traité d'arithmétique, imprimé en relief, est un modèle de précision et de concision. « Nos procédés d'écriture et d'impression, disait-il, occupent beaucoup de place sur le papier ; il faut donc resserrer la pensée dans le moins possible de mots ». Nous avons vu que les premiers contacts de Charles Barbier de la Serre avec l'institution ont probablement eu lieu en 1819, l'année même où le jeune Louis Braille y était admis. En tout cas, il est certain que Braille a eu très rapidement connaissance du système Barbier et qu'il n'a pas tardé, bien avant de devenir répétiteur, à proposer des perfectionnements à Barbier. Il y avait malheureusement un écart de génération important entre Barbier et Braille ; d'autre part Barbier, qui avait un caractère entier, n'a jamais accepté que l'on touche au principe de son invention : représenter des sons et non l'alphabet.
Le dialogue n'a pas dû être facile entre le jeune écolier et l'inventeur chevronné et sûr de lui ! Cela n'a pas empêché Braille de poursuivre la mise au point de son propre système, auquel il travaillait, disent ses contemporains, en dehors de ses heures d'étude, soit tôt le matin, soit pendant les vacances, au sein de sa famille. Nous savons, par le témoignage de Pignier, que l'écriture ponctuée de Braille était pratiquement au point, au moins dans ses parties essentielles, dès 1825. C'est en 1827 (Braille avait 18 ans) que cette écriture reçut pour la première fois la sanction de l'expérience : la transcription de la « grammaire des grammaires ». En 1829 parut, imprimé en relief linéaire qui était encore l'écriture officielle à l'institution, l'ouvrage intitulé « Procédé pour écrire les paroles, la musique et le plain-chant au moyen de points, à l'usage des aveugles et disposés pour eux, par Louis Braille, répétiteur à l'institution Royale des Jeunes Aveugles ». Comme le dit Pierre Henri c'était le « véritable acte de naissance du système Braille ». Ce premier alphabet n'était pas exactement celui que nous connaissons mais sa partie principale - les quatre premières séries - était la même qu'aujourd'hui ; il comportait, outre les points, un certain nombre de traits lisses qui ont rapidement disparu. Dans son exposé, Braille décrit la « planchette - et le « stylet » mais ne dit pas comment réaliser les traits lisses. On ne connaît pas les règles que Braille s'est fixées pour établir la première série de signes, dont les autres découlent. Ce que l'on sait, c'est que Braille a été très attentif à écarter les signes qui auraient pu prêter à confusion car trop proches les uns des autres.
Malgré ses défauts de jeunesse ce système était d'ores et déjà supérieur à celui de Barbier. Quels étaient ses avantages ? Point peut-être le plus important : c'était un alphabet, calqué sur celui des voyants. Il donnait donc un accès réel et complet à la culture. Il était beaucoup plus facile à déchiffrer car ses caractères étaient moitié moins hauts (au maximum 6 points au lieu de 12) et pouvaient être appréhendés, avec un peu d'exercice, sans déplacement du doigt. Il se prêtait à des développements qui n'ont pas manqué de se produire ultérieurement.
Bien que Barbier ait toujours refusé de se déjuger, il a cependant reconnu la valeur de la méthode de Braille, comme en témoigne une note adressée à l'Institution Royale en 1833 dans laquelle il s'exprime ainsi : « C'est M. Louis Braille, jeune élève, aujourd'hui répétiteur à l'institution Royale de Paris, qui, le premier, a eu l'heureuse idée de réduire l'écriture ponctuée à l'usage d'une réglette rayée de trois lignes ; sous ce double rapport, c'est un service essentiel dont on lui a l'obligation... M. Braille a d'ailleurs fait d'autres applications de sa méthode qui la recommandent suffisamment dans un établissement où l'on s'occupe de tout ce qui concerne l'instruction des jeunes aveugles ». La seconde édition du « Procédé » parut en 1837. On y lit, dans l'avertissement qui la précède, ces paroles qui montrent à quel point Braille était scrupuleux et peu enclin à tirer la couverture à lui : « Nous profitons de cette circonstance... pour y ajouter des observations utiles et des applications ingénieuses dues à l'obligeance de plusieurs aveugles distingués ». Cette nouvelle édition était plus complète, plus claire que la première et, surtout, novation considérable, elle introduisait la notation musicale ponctuée qui est devenue de nos jours ce que l'on nomme la « Notation musicale braille internationale ».
En 1837, année de la parution de la seconde édition du « Procédé » il y avait déjà douze ans environ que l'on expérimentait le système d'écriture ponctuée imaginé par Braille. Par la suite, l'emploi du braille ne fit que se développer mais il fallut plus de vingt-cinq ans pour qu'il soit officiellement adopté dans notre pays. Notons au passage qu'en 1834, des textes en braille avaient été exposés à l'Exposition des Produits de l'industrie place de la Concorde à Paris et qu'en 1837 l'imprimerie de l'institution Royale avait publié un précis sur l'Histoire de France édité en braille, en trois énormes volumes. Comme toujours lorsqu'une invention, novatrice prend son essor, il y a quelquefois des reculs. Il y eut, entre 1840 et 1850 une sorte de « crise du braille », à la suite du renvoi et de la mise à la retraite prématurée de Pignier, accusé de corrompre la jeunesse par l'enseignement de l'histoire. Son successeur Dufau, qui avait été son second, commença par essayer de limiter l'usage du braille à la musique. Il n'y réussit pas vraiment et, finalement, à partir de 1847, le braille reprit son ascension, preuve que l'on ne pouvait plus se passer de lui.
Lorsque 1'on évoque le nom de Braille, que plus personne n'ignore, ce qui vient immédiatement à l'esprit de tous, c'est évidemment l'écriture ponctuée qui porte son nom. Très peu de personnes, même parmi celles qui, s'intéressent au sort des aveugles, savent que Braille ne s'est pas reposé sur ses lauriers après l'avoir mise au point.
Il restait en effet un problème important que le braille ne résolvait pas : celui de la communication entre aveugles et voyants, qui avait été une des préoccupations majeures de Valentin Haüy. On ne pouvait évidemment pas demander que le braille soit enseigné dans les écoles des voyants, même si cette écriture ne présentait aucune difficulté d'apprentissage pour qui utilisait ses yeux et non ses doigts. C'était aux aveugles de se mettre à la portée des voyants et Louis Braille en était parfaitement conscient. Mettant une fois de plus en action son imagination et son intelligence, il inventa une méthode nouvelle qu'il exposa en 1839 dans une petite brochure imprimée en noir, intitulée : « Nouveau procédé pour représenter par des points la forme même des lettres, les cartes de géographie, les figures de géométrie, les caractères de musique, etc., à l'usage des aveugles ». En gros, cette méthode était basée sur un repérage, par coordonnées, de points en nombre suffisant pour permettre d'une part la reconnaissance visuelle de lettres, chiffres et autres signes des voyants, d'autre part leur reconnaissance tactile par les aveugles. Coltat nous explique que, « pour déterminer exactement la séparation à mettre entre les différents signes alphabétiques et la grandeur que doit avoir chacun de ces signes », Braille fit construire « un grillage à jours très fins ».
Il nous dit également que « pour rendre invariables les dimensions des lettres, il imagina de dresser un tableau indiquant le nombre de points exigés par la forme d'une lettre et aussi les positions successives que doivent prendre ces points pour représenter les différentes parties de sa figure ». le « nouveau procédé » de Braille permettait de résoudre le problème posé mais il était très lent. En 1841, un ami de Braille, Foucault, passionné de mécanique, conçut une petite machine relativement simple à manier, qui permettait de placer facilement les points des combinaisons de Braille. Cet appareil, d'abord nommé « planche à pistons » par Foucault, fut baptisé ultérieurement « raphigraphe ». Le raphigraphe a été longtemps utilisé à l'Institut National des Jeunes Aveugles, comme en témoigne la photographie d'une classe de jeunes aveugles conservée au musée Valentin Haüy.
Il n'a pas survécu à l'invention de la machine à écrire, que les aveugles ont rapidement appris à utiliser en dépit de son inconvénient : l'impossibilité pour l'aveugle de se relire.
Au moment de l'invention du raphigraphe de Foucault, Braille avait encore plus de dix ans à vivre mais il se savait malade et connaissait la nature de son mal. Ses premières hémoptysies s'étaient produites en 1835 et, depuis, elles s'étaient renouvelées. A cause de cela, on allégea petit à petit ses tâches de professeur, ne lui laissant à partir de 1840 que ses leçons de musique. En plus de son enseignement, il continuait à tenir le buffet d'orgue dans différentes églises parisiennes, notamment Saint-Nicolas des Champs, de 1834 à 1839, puis la chapelle de la maison mère des Missionnaires Lazaristes rue de Sèvres, (où se trouve depuis 1830 la châsse de Saint-Vincent de Paul), de 1830 à sa mort.
C'est dans la nuit du 4 au 5 Décembre 1851 qu'une hémorragie abondante l'obligea à cesser toute activité. Alité, de plus en plus affaibli par des hémorragies successives, il mourut le 6 Janvier 1852, en présence de ses amis et de son frère, après avoir reçu l'extrême onction. Il fut inhumé le 10 Janvier à Coupvray, selon la volonté de sa famille. Il fallut attendre un siècle pour que la dépouille mortelle de Louis Braille, bienfaiteur de l'humanité, rejoigne enfin, au Panthéon, les plus grands de nos compatriotes.
La lecture du braille
La lecture visuelle du braille ne doit pas poser de problèmes aux adultes, dès lors qu'ils ont assimilé les quatre groupes de lettres et le groupe des signes de ponctuation.
Quelques remarques cependant faciliteront peut-être la compréhension pour ceux qui sont peu familiarisés avec ce code.
1 . Les lettres étant toutes inscrites dans les six point du rectangle, il s'ensuit que celles comportant un accent, un tréma, une cédille sont données par des dispositions de points particulières.
Exemple : e = 1.5. è = 2.3.4.6. é = 1.2.3.4.5.6. ê = 1.2.6.
Cela porte le nombre de lettres de l'alphabet braille à quarante au lieux de vingt-six pour l'alphabet ordinaire.
D'autre part, il n'est en fait nécessaire d'apprendre que les dix premières combinaisons, qui constituent le premier Groupe.
En effet, il est à noter que dans le ler Groupe, seuls les points 1.2.4.5 sont utilisés. On ajoutera aux dix combinaisons du lerGroupe:
- le point 3 pour constituer les lettres du 2eGroupe,
- les points 3 et 6 pour constituer les lettres du 3eGroupe,
- le point 6 pour constituer les lettres du 4e Groupe.
2 . Tandis que l'écriture des voyants comporte plusieurs sortes de tracés (minuscules, script, imprimerie, etc.), l'écriture braille n'a qu'une seule présentation.
La première lettre d'une phrase ou d'un nom propre est précédée du signe particulier "Majuscule" (4.6.)
Les chiffres 1,2,...0 sont identiques aux lettres a,b,...j mais tout chiffre ou nombre est précédé du signe zéro.